Faire des chemises Made in USA, mission (presque) impossible ?

« Ce n'est pas forcément une belle histoire, mais elle mérite d'être racontée. Je ne veux surtout pas que cela ressemble à une tragédie. Ce n'en est pas une. C'est un processus évolutif. »

C’est par ces mots que s’ouvre le récit sur l’entreprise de fabrication de chemise américaine New England Shirt Company publié par Someone Else. Et dès les premières lignes, on comprend que produire des vêtements aux États-Unis relève moins de la success story que d’une lutte quotidienne.

Produire localement, c’est chérir le savoir-faire… mais aussi supporter des coûts élevés, une stabilité fragile — surtout quand on dépend de gros clients — et une complexité logistique immense.

Comme le souligne Bob Kidder, propriétaire de la marque :

« Tout le monde aime l’idée du Made in USA, mais peu de gens comprennent ce que cela implique vraiment. »

C’est toute la tension de cette histoire : vouloir offrir de l’authenticité, tout en maintenant la viabilité économique.


Cet article très complet est à lire ici. On recommande vivement.

Berliner Trip

Je savais d’entrée de jeu que Berlin n’était pas la Mecque du menswear. Avant le départ, j’avais pris le temps de regarder quelles étaient les adresses les plus connues, celles qui reviennent souvent dans les recommandations — notamment sur le site Permanent Style.

Mon voyage a pourtant commencé d’une manière agréable : dès la première gare allemande, je suis tombé sur la revue The Heritage Post. Un magazine consacré au style heritage, rarement disponible en France. Mais j’ai été surpris de voir que le magazine ne parle pas uniquement de denim et de vestes en cuir, mais aussi de voyages, de beauté…en d’autres mots, du lifestyle. Moins pointu que je ne l’imaginais.

 
 

Les friperies sont sans doute les magasins de vêtements les plus courants à Berlin, c’est donc par là que j’ai commencé mes visites. La plus connue est Humana. Des boutiques de toutes les tailles sont disséminées un peu partout dans la ville, bien rangées, mais les prix m’ont paru assez élevés pour de la seconde main. L’offre, en dehors de quelques exceptions, n’est pas forcément passionnante.

On peut toutefois y faire de vraies découvertes, notamment si on recherche des vêtements traditionnels allemands. J’y ai croisé par exemple un lederhose. Avec un peu de chance, il est aussi possible de tomber sur des articles bien connus des aficionados du vintage comme ce cardigan Cowichan de Canadian Sweater.

Outre les friperies, trois adresses m’ont particulièrement marqué à Berlin : Burg & Schild, 14 oz. et Fein und Ripp. En effet, ces magasins, très orientés heritage, reflètent bien l’esprit et le style de la ville.

Il existe bien sûr aussi une offre plus classique et élégante. Par exemple, Campe & Ohff propose de belles chemises sur mesure, fabriquées en Allemagne. Je pense aussi à Maximilian Mogg pour les costumes. Mais ces deux boutiques sont assez éloignées du centre-ville, ou tout du moins tel que je le défini, à savoir les environs de la porte de Brandebourg.

Burg & Schild

Située rue Rosa-Luxemburg à Berlin-Mitte, Burg & Schild est un lieu incontrounable pour les passionnés de denim et de style heritage. La boutique propose une bonne sélection de marques japonaises et américaines : Iron Heart, The Real McCoy’s, Warehouse, Momotaro, Indigofera, Edwin, Buzz Rickson’s, Gitman Bros., Resolute, Orslow, Alden…et même Anatomica. On y trouve aussi des références plus classiques comme Levi’s Vintage, Baracuta ou Pendleton.L’ambiance du magasin, alliant bois brut et acier, crée une atmosphère qui reflète l’esprit des marques qu’il abrite.

Ce qui distingue également Burg & Schild, c’est aussi sa petite sélection de magazines spécialisés. On y trouve des publications comme The Heritage Post (sans surprise) mais aussi AVANT Magazine et quelques magazines japonais classiques.

14 oz.

À quelques rues de là, on trouve 14 oz., en réalité deux boutiques : l’une rue Rochstraße, l’autre rue Münzstraße. La sélection se veut plus urbaine et élégante. On y croise des marques comme Resolute, Orslow, Ten C, Alden, Tricker’s, Merz b. Schwanen ou encore Gitman Bros..
C’est un bon complément à Burg & Schild, avec une vision moins workwear et plus contemporaine.

La boutique propose également une très bonne sélection de chaussures, avec notamment plusieurs modèles d’Alden. Pour qui cherche une paire, c’est vraiment une adresse à ne pas manquer.

Fein und Ripp

Autre adresse intéressante à Berlin, Fein und Ripp est une boutique familiale située dans le quartier de Prenzlauer Berg. Elle se concentre sur les vêtements vintage et le workwear authentique, avec une sélection allant des années 1920 aux années 1950 : chemises, pantalons de travail, vestes et accessoires rares.

Le magasin distribue aussi quelques marques contemporaines comme Pike Brothers, Red Wing Shoes, Schiesser Revival ou Cano Shoes, mêlant vintage authentique et créations actuelles.

Merz B. Schwanen

J’ai également visité la boutique berlinoise de Merz b. Schwanen, la seule marque européenne à posséder des machines à tricoter Loopwheel. C’est l’endroit idéal pour découvrir l’offre complète de leurs tee-shirts et sweatshirts fabriqués en Allemagne.

Musées berlinois

Quelques mots sur les musées. En plus plus des musées classiques de l’Île aux Musées, il est possible de visiter le Kunstgewerbemuseum, le Musée des Arts Décoratifs, qui propose une petite collection de mode sur 150 ans. On y découvre des créations de couturiers comme Paul Poiret, Elsa Schiaparelli, Coco Chanel ou Christian Dior. Le musée est situé juste à côté de la Gemäldegalerie, le musée de peinture, ce qui permet de combiner facilement les deux visites.

KaDeWe

Enfin, difficile de parler de Berlin sans mentionner le KaDeWe. Ce grand magasin, fondé en 1907, est une institution. Les étages supérieurs sont consacrés à la mode masculine, avec une offre très large de marques internationales.

On était agréablement surpris d’y voir Johnstons of Elgin.

Borchardt

Pour finir, terminons sur une note culinaire. On a fait une halte chez Borchardt, un restaurant très réputé en centre-ville. La spécialité ici, c’est la Wiener Schnitzel : fine, panée à la perfection et servie avec une cuisson juste, elle est devenue un incontournable pour qui veut goûter une version berlinoise de ce classique viennois.

L’ambiance du lieu est élégante mais décontractée, idéale pour une pause déjeuner ou un dîner après une journée de visites. Si vous êtes dans les environs de la porte de Brandebourg, c’est une adresse que je recommande.

Petit bonus : un homme élégant croisé en sortant du KaDeWe.

Allevol 'Roku Roku' 66 Denim Jean – Kinari

Note : À notre demande, Allevol ont accepté de nous envoyer le Jean que vous allez découvrir dans cet article

Nous vous avions déjà parlé d’Allevol sur Les Indispensables Paris, une marque née en 2005 à Londres sous l’impulsion de Taka Okabe et de son épouse. Pour mémoire leur ambition est de créer des vêtements inspirés de pièces du workwear et du military wear, fabriqués avec sérieux entre le Japon, l’Écosse et le Royaume-Uni.

 
 

Le jean “Roku Roku” 66 Denim en Kinari s’inscrit dans cette logique. Il reprend l’esprit du 501 Type 66 de Levi’s tout en en y insufflant sa vision. Pour rappel le Type 66 a été produit à partir de 1966 jusqu’au début des années 1980. Ce modèle est considéré comme le premier 501 “moderne”. Sa coupe est droite, légèrement fuselée sur la jambe, avec une taille moyenne à haute. Allevol reprend ces codes pour créer un jean très droit, légèrement large, qui tombe naturellement sur la chaussure et combine élégance et confort.

Fabriqué au Japon avec un denim selvedge de 12 oz, il est livré en version one wash, ce qui permet de profiter immédiatement de sa toile dense et déjà assouplie.

 
 

Les détails ont aussi été soignés. Ils ne reprennent d’ailleurs pas directement les codes historiques de Levi’s. Le patch en papier, placé à l’arrière, remplace le traditionnel patch en cuir des Levi’s 501 vintage. Il indique la taille et la coupe, tout en apportant une touche artisanale - il est estampé à la main.

De même, les boutons dits “donut” - nommés ainsi en raison du trou au centre- avec motif de laurier sur la braguette avant ne sont pas inspirés de Levi’s. Ces boutons métalliques ronds et gravés sont une signature Allevol.

On aime également beaucoup la couleur crème de ce jean. Il est n’est pas blanc. Pour le décrire Allevol utilise le terme “Kinari”. Il s’agit d’un mot japonais qui désigne une couleur naturelle, non teinte, crème ou écrue. Le denim est resté dans sa teinte brute après tissage, sans teinture indigo ni autre colorant. Cela donne une couleur claire, légèrement beige, qui évolue et se patine avec le temps et les lavages, créant un rendu très naturel et authentique.

 
 

Mais ce qu’on aime vraiment avec ce modèle, c’est sa coupe. Comme évoqué précédemment, elle est légèrement large tout en offrant un beau tombé. Le jean casse proprement sur les chaussures de Jean.

Vous l’avez sans doute remarqué, depuis plusieurs années les coupes plus amples se sont progressivement imposées. Nous aussi, nous sentons cette vague : nous portons régulièrement des vêtements un peu plus larges, mais toujours avec mesure afin de conserver des silhouettes nettes - dans la mesure du possible.

Sur les photos, Jean porte une taille 33, associée à une paire de Weston, précisément les chaussons Wakey. Ces souliers, également évoqués dans nos pages, incarnent une élégance feutrée et fluide : fabriqués à Limoges dans un veau souple noir, ils combinent confort et sobriété. Le tombé droit du jean épouse élégamment la forme fine du Wakey.

 
 

Proposé aux alentours de 340€ chez Clutch Café, ce jean Allevol est disponible dans une large gamme de tailles, bien que certaines soient régulièrement en rupture de stock.

 
 
 

A.PRESSE - Une marque que l’on suit de près

A.PRESSE est une marque japonaise fondée en 2021 par Kazuma Shigematsu, également connu pour son travail chez Daiwa Pier39 - une marque japonaise qui détourne l’héritage technique de la pêche pour créer des vêtements urbains oversize, fonctionnels et inspirés de l’outdoor.

A.PRESSE possède sa boutique phare à Jingūmae, Shibuya, en plein cœur de Tokyo.

Le style de la marque s’appuie sur des inspirations vintage et workwear américaines, mais retravaillées avec subtilité. Comme beaucoup de marques japonaises, plutôt que de reproduire à l’identique des pièces anciennes, A.PRESSE cherche à en capturer l’esprit tout en y apportant une finition moderne et sophistiquée. On retrouve par exemple des vestes en denim inspirées des premières Levi’s, des chinos militaires repensés ou par exemple une veste qui détourne le style Carhartt en la croisant avec la douceur d’un tissu en mélange de soie.


J’ai vraiment commencé à faire attention à A.PRESSE en 2024, quand Tyler Brûlé l’a évoquée dans une de ses newsletters, en la présentant comme une marque japonaise digne d’intérêt et à suivre de près.

Rapidement, la marque s’est imposée dans le milieu du menswear comme une référence. Cette exigence se reflète aussi dans les prix, qui atteignent parfois des niveaux très élevés, avec certaines pièces proposées à plus de 3 000 €.

Nous n’avons pas encore eu l’occasion de voir les pièces en vrai, mais cela ne saurait tarder.

Sa distribution reste limitée, ce qui contribue à renforcer son image exclusive. Les pièces sont désormais disponibles en ligne, par exemple chez Mr Porter et Haven Shop.

Dominique Lelys (Arnys), Yukio Akamine et Yasuto Kamoshita par For The Discerning Few

Un peu de lecture pour cet été.

Ci-dessous, vous trouverez trois interviews réalisées dans les années 2010 par For The Discerning Few. Elles sont aujourd’hui difficiles à retrouver ; je les ai dénichées via le site WebArchive et les partage ici comme archive à mon tour.


Interview de Dominique Lelys, designer de la Maison Arnys

Aujourd’hui, For The Discerning Few vous propose un entretien exclusif avec Dominique Lelys, designer de la Maison Arnys depuis 24 ans.

Interview in English.

 
 
 

Le propos de M.Lelys est évidemment personnel et n’engage pas la Maison Arnys.

For The Discerning Few : Pourriez-vous nous parler de votre parcours personnel ?

Dominique Lelys : C’est une longue et belle histoire. Après avoir passé mon bac, j’ai effectué une formation à l’Académie Charpentier et je suis rentré ensuite à l’Ecole Camondo dont je suis sorti diplômé en 1982 en tant que designer et architecte d’intérieur. On peut dire que je suis arrivé dans le monde du vêtement par hasard.

A l’époque mon idole était Philippe Noiret. Un jour, dans un journal qui s’appelait Officiel Hommes, j’ai vu une présentation de sa garde-robe et le nom Arnys revenait très souvent. J’ai donc découvert cette maison et j’ai commencé à me procurer quelques pièces magnifiques avec mes maigres économies. Suite à cela, M. Grimbert a remarqué que je dessinais et m’a demandé de dessiner des motifs textiles. Je ne l’avais jamais fait mais j’ai trouvé l’idée passionnante. J’ai commencé à travailler en free-lance pour Arnys en 1983.

Entre temps, j’ai fait un stage chez Hermès à la fin de mes études et j’avais travaillé pendant un an pour Ralph Lauren ; j’ai aussi réalisé plusieurs projets en mobilier et architecture intérieure. Je me suis donc fait une clientèle de plus en plus étendue dans le monde du vêtement. J’ai notamment réalisé des foulards pour l’Opéra de Paris et j’ai travaillé pour Daniel Crémieux toujours en free-lance. Ces quelques expériences m’ont permis de me faire une petite notoriété dans le dessin textile. Arnys m’a alors proposé de m’occuper de son bureau de création. Depuis lors, c’est-à-dire la fin des années 80, je travaille à temps plein pour Arnys.

FTDF : Comment définiriez-vous votre style personnel ?

D. Lelys : Complètement emprunt de fantaisie dans le classique et à mi-chemin entre le style français et le style anglais. Je m’habille d’une manière très traditionnelle. J’aime le vêtement pour le vêtement. C’est-à-dire que j’aime porter un vêtement adéquat à la fonction. Je vais peut être paraître difficile mais je trouve que cela n’a pas de sens de porter un vêtement de chasse quand on ne chasse pas ou de porter des bottes d’équitation quand on ne monte pas à cheval. De même, je ne porte plus que très rarement du tweed ou du velours côtelé en ville. De plus, en ville, je privilégie les chemises à poignets mousquetaires alors qu’à la campagne je porte des poignets simples.

FTDF : A ce propos, l’univers de la chasse est très présent chez Arnys.

D. Lelys : Oui, je m’y cramponne un peu mais c’est un univers en voie de disparition. On a encore une clientèle pour ça. Donc cela existe encore à travers quelques motifs mais les vêtements dits « de chasse » n’existe pour ainsi dire plus chez Arnys.

FTDF : Quel est le style véhiculé par Arnys ?

D. Lelys : Selon moi, Arnys propose un vêtement très “rive gauche” pour un homme qui sait s’affranchir de certains codes et qui a la culture pour le faire.

FTDF : Peut on dire qu’Arnys est le dernier bastion de l’élégance à la française ?

D. Lelys : Sincèrement je le pense. C’est un style que l’on ne retrouve nulle part ailleurs.

FTDF : Quels sont vos domaines de compétence chez Arnys ?

D. Lelys : Je m’occupe principalement de tout le dessin textile et de la soierie. Je travaille sur l’ensemble de la collection Arnys, même si j’ai des domaines de prédilections comme le sportswear. Il faut tout de même savoir que M. Grimbert se charge de 70% des modèles sportswear. Je m’occupe aussi de la maroquinerie.

FTDF : Cela fait 24 ans que vous travaillez chez Arnys. N’est-ce pas difficile d’évoluer, en termes de création, au sein d’une maison de tradition ?

D. Lelys : Non, c’est une nécessité. La vie est un mouvement. Pour marcher, vous faites un pas devant l’autre. Quand on est dans un milieu très traditionnel, on se sert de ses bases pour pouvoir avancer. Mais on ne peut pas pour autant s’extraire du monde. Donc même malgré soi, on se laisse influencer. Et la mouvance prend sa place naturellement. Je ne crois pas au « génie créatif » ; ce n’est pas en faisant n’importe quoi, à partir de rien, qu’on est génial. Au contraire, c’est en ayant une grande culture qui ne s’arrête pas à un domaine en particulier. Et c’est grâce à cette culture que l’on devient beaucoup plus perméable à tout ce qui se passe autour de soi.

FTDF : On note effectivement qu’Arnys a de plus en plus tendance à s’ouvrir, à communiquer, notamment par les défilés, et  à s’adresser à une clientèle plus jeune.

D. Lelys : Tout à fait et cela me semble nécessaire. Nous avions encore cette image d’une maison qui habille les messieurs âgés. Socialement c’était jadis logique car les personnes de 50 ans ou plus avaient le pouvoir d’achat nécessaire pour s’habiller chez Arnys. Mais désormais, la société a complètement évolué et on voit de plus en plus de jeunes hommes fortunés souhaitant acquérir des produits de qualité. Nous devons donc nous adapter à cette clientèle plus jeune, tout en conservant notre « label » de qualité.

FTDF : D’où tirez-vous vos inspirations ?

D. Lelys : Elles peuvent venir de très petites choses. Un jour, j’ai créé un motif de cravate en regardant par la fenêtre et en voyant un fer forgé de balcon. Il n’y a pas de règles. Encore une fois, c’est l’ouverture d’esprit qui conditionne la création. Je suis comme un capteur en permanence et tout peut être source d’inspiration.

FTDF : Quelles sont les pièces emblématiques que vous retiendriez chez Arnys ?

D. Lelys : Evidemment, la veste Forestière qui est extraordinaire et très pratique. Elle a été créée en 1947 pour un architecte français très célèbre. Je crois que c’est le vêtement dont découle tout le reste, avec cette volonté d’affranchissement et de souplesse.

FTDF : A choisir, quelle serait pour vous la période marquante en termes d’élégance ?

D. Lelys : Si vraiment je devais choisir, cela serait l’Angleterre des années 20 à 30. Toute l’ambiance des films de James Ivory comme Chambre avec vue ou Maurice.

FTDF : Quelles sont vos icônes de style ?

D. Lelys : Philippe Noiret était la référence. Désormais, je trouve que le Prince Charles s’habille avec une classe folle et que, contrairement à ce qu’on peut dire, il s’améliore avec le temps. Sinon, il y a l’acteur Leslie Howard, moins connu que d’autres mais que je trouve particulièrement élégant.

FTDF : Quelle est votre définition de l’élégance ?

D. Lelys : C’est un état d’esprit. Je suis à contre-courant par rapport à ce qui se fait maintenant. Il ne faut pas se montrer pour se montrer ; ou alors le faire avec un léger décalage, et toujours avec discrétion.

FTDF : Justement, lorsque l’on est un adepte de l’élégance classique, on ne peut plus être véritablement discret en 2012…

D. Lelys : Vous avez raison. Mais je ne vais pas non plus me travestir par rapport à ce que je suis. Donc je m’habille d’abord parce que cela me fait plaisir ; ensuite, parce que c’est une question de respect dû aux personnes que je fréquente.

La discrétion est plutôt dans le comportement. Après, la question d’assumer telle ou telle couleur, tel ou tel motif, c’est un autre débat.

Chez Arnys, il y a une inspiration des habits du 18ème siècle où l’on pouvait porter de la couleur sans honte. Aujourd’hui, tout le monde s’habille en gris ou en noir… Par ailleurs, beaucoup de gens pensent vivre à travers leurs vêtements. Or, je crois que c’est une erreur terrible. Il faut savoir très bien s’habiller pour finir par oublier le vêtement.

A propos de la discrétion, j’ai un exemple très précis : lorsque Karen Blixen est partie faire ses safaris en Afrique, elle savait qu’elle partait pour longtemps. Elle est allée chez Hermès pour se faire faire une trousse de voyage. Elle l’a fait pour elle, pas pour la montrer ostensiblement dans des pays où d’ailleurs personne n’avait idée de ce que ca pouvait représenter.

 
 

FTDF : Quelles sont les maisons ou les marques qui retiennent encore votre attention ?

D. Lelys : En maroquinerie, il y a Hermès, assurément. En termes de style je dirais Ralph Lauren. La maison Kiton fait également de belles choses ; ce n’est pas mon style mais je dois dire qu’ils réalisent un travail de grande qualité. J’apprécie aussi les souliers Berluti en tradition mesure.

FTDF : Nous savons que vous êtes un fin connaisseur du rasoir « coupe chou ». Pourriez-vous nous parler de l’art de se raser et plus généralement de s’entretenir ?

D. Lelys : Je passe une demi heure le matin dans la salle de bain, dans la mesure du possible ; de la brosse à dents, à la sortie de la douche en passant par le rasage. Une fois que je suis sorti de la salle de bains, je m’habille, je m’arrange devant un miroir et je ne me regarde plus de la journée. C’est une histoire qui appartient à la préparation.

Je me suis intéressé au coupe chou assez récemment. Mais après quelques coupures, on apprend très vite. C’est devenu une passion, qui me correspond puisque je suis très attaché aux usages et à ce qui est traditionnel. Et c’est grâce au coupe chou que je suis passé à l’Eau de Cologne. Je ne porte plus d’eau de toilette. L’Eau de Cologne, c’est très masculin, il n’y a pas de vaporisateur ; on  frotte, on garde quelques gouttes pour le mouchoir et c’est terminé.

Je change de sujet mais cela rejoint la même idée : je ne glace plus mes souliers. C’est devenu presque « à la mode ». Personnellement je ne le fais plus. Bien sûr, je l’ai fait longtemps lorsque j’étais jeune et heureusement ! Mais pour moi, le glaçage c’est la superficialité. On utilise une technique artificielle pour faire briller un cuir qui ne brille pas de lui-même. Désormais, je préfère ne plus les glacer et laisser faire la patine du temps ; bien sûr je les cire régulièrement et c’est au bout de quelques années que les chaussures vont se mettre à briller comme des miroirs.

Tout cela est très personnel et ne constitue pas un jugement supérieur de ma part.

FTDF : Quelles sont les règles auxquelles vous ne dérogez jamais ?

D. Lelys : Je ne porte jamais de chaussures marron avec un blazer ni avec un costume sombre. Après, il faut évoluer ; les règles du type « no brown in town » sont sans doute superflues désormais. Par contre, je ne mettrai jamais de veste en tweed ou dépareillée, ou encore mes Derby chasse si je suis convié à un diner en ville. Je l’ai déjà fait, mais je ne le fais plus désormais.

FTDF : Et, à l’inverse, y a-t-il des règles que vous ne respectez jamais ?

D. Lelys : Non, car je n’ai pas envie d’exister que par mes vêtements. La transgression est ailleurs.

Ah si… Aujourd’hui par exemple, ma transgression c’est que je suis en bleu marine et en vert et j’ai pourtant mis un mouchoir rouge (rire).

FTDF : Pourriez-vous expliquer pourquoi vous portez des souliers noirs avec un blazer ?

D. Lelys : C’est une question de morphologie. Lorsque je porte un blazer avec un pantalon de flanelle, je n’ai pas envie d’attirer l’attention sur mes souliers. Cela contribuerait à tasser ma silhouette.

FTDF : A ce propos, certains considèrent, contrairement à nous, que les bas revers ne vont qu’aux personnes de grandes tailles. Quel est votre avis sur le sujet ?

D. Lelys : Pour les bas revers, c’est une autre histoire. Cela dépend en fait de la largeur du pantalon. Je porte mes pantalons à 17 cm ou 18 cm dans le bas. Dès lors, ça ne rapetisse pas la silhouette. Tout est une question d’équilibre et d’harmonie.

FTDF : Quels sont vos goûts en matière de souliers ?

D. Lelys : Mes goûts sont là encore très classiques et très anglais. J’aime beaucoup les derby chasse et demi-chasse, les mocassins type « 180 » et les oxford (ou richelieu), que je porte exclusivement avec des costumes.

FTDF : Peut-on dire que vous êtes un gentleman « à la française » ?

D. Lelys : Je laisse aux autres le soin de juger. Ce n’est certainement pas à moi de me juger moi-même sur ce point.

Pour moi, un gentleman est avant tout quelqu’un de bien élevé, qui connait les codes. C’est un homme galant, qui a du respect pour les femmes. Il connait la valeur des choses et surtout des gens. On ne peut se revendiquer comme tel, surtout si l’on n’a pas le respect des personnes, aussi bien vêtu soit-on. Et la culture est aussi très importante même si on n’est pas obligé de connaitre tout Flaubert pour être quelqu’un de cultivé. L’important, c’est l’éducation. D’ailleurs, il y a des gentlemen dans les milieux populaires, j’en suis intimement convaincu.

FTDF : Quels conseils pourriez-vous donner aux jeunes hommes qui souhaitent s’habiller correctement et qui recherchent cette élégance intemporelle que vous incarnez, à l’instar de la Maison Arnys ?

D. Lelys : Je leur recommanderais d’abord de regarder des vieux films et de bien comprendre qu’il n’y a pas de décalage entre la silhouette de la personne, son vêtement et son âge. Porter un chapeau ou se balader avec une canne lorsque l’on est jeune, je trouve cela mal à propos. Je parle en connaissance de cause, je l’ai fait (rires) ! Plus l’âge avance, plus on peut se permettre de choses.

Le plus grand conseil que je pourrais donner aux gens, c’est de bien comprendre que ce qui fera leur personnalité, ce n’est surtout pas le vêtement. C’est ce qu’ils vont développer par ailleurs : leur charme, leur élégance, leur prévenance vis-à-vis des femmes, leur ouverture d’esprit. Si en plus on est bien habillé, c’est parfait. Mais, faire le chemin en sens inverse me semble compliqué.

Nous remercions Dominique Lelys pour sa disponibilité, sa gentillesse et son savoir.

Interview réalisée par Virgile MERCIER et Pierre-Antoine LEVY pour For The Discerning Few. Paris, mars 2012.


 
 

Nous avons le plaisir de vous présenter une interview de Yukio Akamine, consultant renommé, créateur du Japan Gentleman’s Lounge et spécialiste du Bespoke.

Interview in English.

For The Discerning Few : Pourriez-vous nous présenter votre parcours ?

Yukio Akamine : Je suis japonais et j’ai toujours beaucoup apprécié le vêtement classique qui n’est malheureusement pas ancré dans la culture japonaise. J’ai concentré mes études sur la manière dont s’habillaient les gentlemen anglais. C’est ainsi que tout a commencé.

Je suis fasciné par Savile Row qui pendant deux cents ans, sur un espace très restreint, a été le temple de l’élégance masculine.

Il est possible de faire un parallèle entre la manière dont un gentleman s’habille et le mode de vie des samouraïs. La tenue du samouraï est fonction des évènements de sa vie.

J’ai été consultant pour United Arrows pendant plusieurs années et je donne maintenant des conférences sur le style. J’expose ma philosophie de l’habillement mais je traite également de tous les aspects de la vie. Je définis le style globalement. Le style est l’essence même de notre existence.

FTDF : Qu’est ce qui constitue le style ?

Yukio Akamine : Le style émane de l’intérieur. L’intelligence, le caractère et la personnalité sont ses éléments moteurs. Les vêtements sont bien sûr importants mais ils ne peuvent pas donner du style à quelqu’un qui n’en possède pas au fond de lui-même.

Se vêtir, c’est comme écrire. En effet, lorsque l’on écrit en sinogrammes, il y a trois styles possibles. Je peux donc écrire mon nom de trois manières différentes. Le premier style est très classique à l’instar du style anglais traditionnel. Le deuxième style est un peu moins classique, on peut le comparer au style napolitain qui s’inspire du style anglais mais qui est bien moins formel. Le troisième est encore moins formel, il fait penser aux tendances et la mode.

La première manière d’écrire me correspond. Je m’identifie au style anglais traditionnel. Je suis classique.

FTDF : Pourriez-vous nous présenter votre style personnel ?

Yukio Akamine : Mon style est un amalgame entre ce que j’apprécie, le style anglais traditionnel, et ce que je suis, un Japonais.

La manière dont je m’habille est intimement liée à mes sentiments et mes humeurs. Il faut s’habiller selon son état d’esprit du moment. Afin de développer son style, il est fondamental d’accorder son humeur et sa manière de s’habiller. En effet, s’habiller revient à s’exprimer.

Si je mets mes mains dans mes poches ou que je me tiens d’une certaine manière cela changera l’aspect de mon costume. Il y a du style dans tous nos actes. Par conséquent, même la manière dont je place ma serviette lorsque je suis à table définit mon style.

L’élégance peut être trouvée dans les gestes des gens les plus simples. Au Japon, par exemple, il y a des manières de tenir ses baguettes qui sont très élégantes. L’élégance et le style ne sont pas une question de débordant de chemise ou de largeur de revers, ce qui compte c’est que votre manière de vous habiller soit en harmonie avec votre personnalité et vos sentiments.

Avant la seconde guerre mondiale, le style traditionnel anglais était notamment mis en avant par l’Empereur Hirohito qui était un client de Savile Row. Mais après la guerre, la culture américaine symbolisée par le jean et beaucoup moins formelle que la culture anglaise s’est propagée au Japon. Cette culture américaine continue de prospérer aujourd’hui au Japon. On la retrouve aussi en France et en Italie, par exemple. Mais elle est dominante au Japon et elle impacte la vie des Japonais, des vêtements qu’ils portent, la musique qu’ils écoutent, la nourriture qu’ils mangent, etc. Tout doit être simple et rapide de nos jours.

J’essaie de préconiser et d’enseigner un retour aux sources de l’élégance masculine qui prenait ses racines dans le style traditionnel anglais. En ayant cette base, on peut ensuite développer son propre style, car si on se contente de suivre la mode et les tendances on ne fait que passer d’une chose ridicule à une autre. En revanche, en ayant des bases solides on peut ensuite ajouter sa créativité et sa propre identité. C’est ainsi qu’on crée son style.

FTDF : Existe-t-il un style japonais ?

Yukio Akamine : En tant que tel, je ne crois pas. Néanmoins, les Japonais sont depuis toujours très intéressés par les finitions et le travail à la main, car il existe une véritable culture du détail au Japon.

Dès lors, si je devais définir le style japonais, je dirais qu’il est avant tout caractérisé par ce qui est fait à la main, par le travail des hommes. À ce titre, beaucoup de grandes Maisons ont été inspirées et s’inspirent de ce qui se fait au Japon.

FTDF : Que pensez-vous du Bespoke, aujourd’hui ?

Yukio Akamine : Il y a un intérêt grandissant sur le sujet. Malheureusement, il est de plus en plus délicat de trouver des artisans compétents et capables.

On parle de vêtements qui sont en grande partie faits à la main, or chaque main est différente. Il faut beaucoup de temps pour acquérir la technique permettant d’être tailleur, mais il faut encore plus de temps pour devenir tailleur une fois que l’on a acquis cette technique. En effet, chaque grand maître tailleur a son identité et sa signature.

Lorsque je regarde un costume en grande mesure, je peux savoir qui l’a fait car je reconnais la main qui a travaillé, je reconnais sa signature.

Le défi aujourd’hui est de permettre à des jeunes gens d’acquérir la technique. Comment va-t-on le faire ? C’est la vraie interrogation.

Certains jeunes ont les qualités et la technique nécessaires, mais souvent ils essaient de se faire un nom en faisant de la mode, ils ne connaissent pas l’élégance masculine et ses traditions. Leur savoir faire est mal utilisé.

Je pense qu’ils devraient d’abord essayer de s’inspirer de la manière dont les acteurs étaient habillés dans les films des années quarante. Après avoir maîtrisé cela, ils pourraient ensuite, éventuellement, essayer de faire de la mode.

La mode et la Grande Mesure sont deux mondes très différents. À l’instar de l’huile et du vinaigre, on ne peut les mélanger.

FTDF : Que pensez-vous des grands tailleurs français ?

Yukio Akamine : Il en reste très peu aujourd’hui. J’appréciais beaucoup Smalto dans les années soixante-dix, au début. La coupe était très raffinée, très élégante, très près du corps peut-être même un peu trop, mais je trouvais que c’était réussi. Maintenant, c’est une marque, c’est de l’industriel… Ça ne m’intéresse plus.

J’aimais aussi beaucoup Cifonelli qui avait un style très masculin et une vraie identité qui provenait de ses racines italiennes. Aujourd’hui, je ne retrouve plus cette identité, ce que je vois est trop féminin. Cela manque d’âme.

FTDF : N’est-ce pas au client d’avoir un peu de goût et de culture ? Il y a des gens qui s’habillent en grande mesure et qui demandent des choses de mauvais goût. Le tailleur ne fait qu’exécuter. On ne peut pas le blâmer.

Yukio Akamine : Je suis d’accord. La responsabilité revient au client, mais il n’y a plus beaucoup de « bons » clients aujourd’hui.

Il y a très peu de mauvais tailleurs et beaucoup de mauvais clients. À ce titre, Brummel disait : « C’est le client qui fait le tailleur. L’inverse est impossible. C’est le client qui permet de tirer la quintessence du tailleur. ». Mais comme je le disais, il y a de moins en moins de clients ayant du goût.

 
 

FTDF : Où peut-on encore trouver ce style très masculin dont vous parlez ?

Yukio Akamine : Il est encore possible de trouver ce style dans de petites maisons telles que Sartoria Crimi à Palerme, Caraceni à Milan ou encore Liverano à Florence.

C’est le résultat d’un travail de longue haleine, il est donc limité à des productions très petites. Il n’y a pas de secret, le résultat ne peut pas être bon si le travail a été bâclé.

Beaucoup de jeunes tailleurs veulent se montrer, montrer ce qu’ils sont capables de faire et tombent dans l’extravagance. C’est regrettable car je pense que le goût et l’élégance sont caractérisés par une certaine discrétion. L’excès est l’ennemi du bien.

FTDF : Quel a été selon vous l’impact d’internet sur le Bespoke ?

Yukio Akamine : Le regain d’intérêt pour la Grande Mesure que j’évoquais tout à l’heure est en partie dû à internet. Malheureusement, il y a des gens qui ont des goûts aussi pauvres que leurs finances sont riches. Dès lors, quoi qu’ils fassent ou qu’ils achètent c’est souvent raté ou de mauvais goût. Internet est en partie responsable de ce phénomène. Les gens sont dans le moment, ils ne prennent pas le temps d’acquérir une culture, des connaissances ; ils veulent que tout arrive en un claquement de doigts.

Je pense que le bon ou le mauvais goût d’une personne s’exprime dans tous les aspects de sa vie : sa manière de se comporter, de parler, de choisir sa voiture ou ses meubles de maison.

Pour apprécier les belles choses, il faut de la patience. Les chaussures que j’ai aux pieds aujourd’hui ont 25 ans. Ce sont des mesures John Lobb. Au départ, elles n’étaient pas très confortables mais après 25 ans je suis incroyablement à l’aise dedans. Avec les belles choses, il faut prendre son temps et savoir attendre. Aujourd’hui, les gens ne tolèrent plus d’attendre. Mais pour toutes les choses de la vie auxquelles nous aspirons et que nous admirons : l’amour, l’amitié, la culture, il faut laisser du temps. Tout ce qui arrive dans la seconde manque de valeur.

En utilisant internet, certains tailleurs essaient de devenir des marques, mais les marques n’ont aucun intérêt. L’artisan, la qualité de son travail, voilà ce qui compte. Est-ce beau ? Est-ce laid ? C’est la question qu’on doit se poser ; la marque, la maison qui l’a fait, peu importe. Le produit, ce qu’il représente, ça c’est important. Soit il a une âme soit il n’en a pas.

FTDF : Que pensez-vous du prêt-à-porter au Japon aujourd’hui ?

Yukio Akamine : Il y a trente ans l’économie japonaise était à son zénith. Mais depuis une dizaine d’années, la situation est beaucoup plus délicate. Par conséquent, les consommateurs japonais ont été poussés à acheter des produits moins chers. Il y a eu un essor de la production de masse avec des vêtements de qualité très médiocre pour la plupart fabriqués en Chine. Mais depuis quelques temps, on se remet à fabriquer des choses au Japon. Une plus grande attention est portée aux détails et aux finitions. Les produits mis sur le marché sont donc dans l’ensemble de bien meilleure qualité. La qualité de la façon et des matières est mise en exergue ; c’est positif.

FTDF : Pourriez-vous nous citer quelques hommes dont, étant jeune, vous admiriez le style ?

Yukio Akamine : La liste serait longue. Mais les premiers qui me viennent en tête sont Jean Cocteau et Visconti.

Quand je me promène dans Paris, il m’arrive parfois de voir des vieux messieurs qui ont beaucoup de style. Malheureusement, je ne vois que très rarement des jeunes gens qui ont du style. Mais cela a toujours été une constante chez moi ; lorsque j’avais vingt ans, j’étais toujours admiratif de la manière dont les personnes plus âgées s’habillaient.

FTDF : Quelle est votre définition de l’élégance ?

Yukio Akamine : L’élégance prend sa source dans le cœur des gens. C’est quelque chose de très personnelle c’est pourquoi on ne peut pas la répliquer ou l’inculquer à la masse.

Le travail de Scott Schuman illustre bien mon propos. Quand je regarde ses photos, la plupart du temps, je ne vois pas les vêtements, je vois que Scott a réussi à saisir le cœur du sujet en photo.

Si on regarde The Sartorialist uniquement pour les vêtements, on passe à côté de quelque chose. Scott photographie des âmes.

Nous remercions Yukio Akamine pour sa disponibilité, sa gentillesse et son savoir.

Nous remercions également Michael Alden pour son aide précieuse.

Interview réalisée par Pierre-Antoine LEVY et Virgile MERCIER pour For The Discerning Few. Paris, février 2012.


 
 

For The Discerning Few a le plaisir de présenter une interview de Yasuto Kamoshita, directeur artistique d’United Arrows et designer de Camoshita United Arrows.

English version

For The Discerning Few : Pourriez-vous nous présenter votre parcours personnel ?

Yasuto Kamoshita : Je viens de Tokyo. Je suis diplômé de l’université des Beaux-Arts de Tama. J’ai travaillé pour Beams dans la vente dans un premier temps, puis je me suis occupé des achats et de la planification. J’ai ensuite participé à la création d’United Arrows en 1989 pour qui j’ai tout d’abord été responsable des achats pour l’homme et des visuels. Je suis aujourd’hui directeur artistique de la société.

FTDF : Quand avez-vous commencé à prêter attention à la manière dont vous vous habilliez ?

Yasuto Kamoshita : J’ai vraiment commencé à y prêter attention quand j’étais au lycée car c’est à cette période que j’ai développé un intérêt pour la mode. Cela s’est confirmé à l’université car alors même j’étudiais l’architecture d’intérieur, je me suis finalement tourné vers la mode et l’habillement.

FTDF : Pourriez-vous décrire votre style personnel ?

Yasuto Kamoshita : Je suis né en 1958 donc, de fait, j’ai été très imprégné par la culture américaine et notamment tout ce qui tournait autour du style Ivy League qui était très populaire durant ma jeunesse. Je dirais donc que mon style est avant tout d’inspiration américaine. Sinon, mon style est assez « classique ». J’aime bien être assez « habillé » mais sans que cela se traduise par une apparence rigide ou autoritaire. Il faut être sérieux, mais pas trop.

FTDF : Quand est-ce que votre marque Camoshita United Arrows a-t-elle été créée ? Quelle était votre ambition au moment de son lancement ?

Yasuto Kamoshita : Camoshita United Arrows a été lancée en 2007. L’ambition était tout simplement de créer une marque incarnant une certaine vision du style japonais.

FTDF : Pourriez-vous justement nous parler de la dernière collection que vous avez présentée au dernier Pitti Uomo ?

Yasuto Kamoshita : Cette collection qui est celle de l’hiver prochain est assez habillée et formelle. Elle tend à représenter ce que j’appellerais le « dandysme japonais » en présentant le savoir-faire japonais en matière de costumes et de vestes qui sont à l’origine des vêtements occidentaux. En effet, les Américains et les Européens ont de fait une grande culture et un énorme savoir-faire concernant le vestiaire masculin. Mais je pense qu’il existe aussi une interprétation et un savoir-faire japonais  en la matière que les gens auront, je l’espère, la possibilité de découvrir au travers de cette collection.

FTDF : Le Japon est désormais le marché numéro 1 pour tout ce qui touche à l’habillement masculin avec des consommateurs très sensibles et très pointus. Est-ce un état de fait que vous êtes en mesure d’expliquer ?

Yasuto Kamoshita : Je n’ai pas vraiment d’explication précise à donner. Je dirais tout simplement qu’il est dans la culture japonaise d’apprendre les choses assez vite. Nous sommes d’une manière générale assez minutieux. Une fois que nous avons assimilé les bases, nous aimons bien essayer d’améliorer et de développer les choses.

Concernant l’habillement masculin, il y a beaucoup de Japonais qui sont passionnés par le style américain et la culture tailleur européenne ; et qui ont beaucoup appris en s’en inspirant. Enfin, c’est vrai qu’il y a au Japon une culture du détail qui aide forcément à être précis aussi bien pour acheter que pour créer.

FTDF : Vous êtes spécialiste de la culture américaine et notamment de la période Ivy League. Pourriez-vous expliquer à nos lecteurs la différence entre les styles Ivy et Preppy ?

Yasuto Kamoshita : Il y a tout d’abord une différence d’époque. Le style Ivy League s’est développé dans les années 1960 avant la guerre du Vietnam alors que le mouvement Preppy n’est apparu qu’à la fin de la guerre.

En fait, le style Ivy était avant tout basé sur la provenance des produits et il reposait donc sur des marques américaines telles que J. Press, Gant ou Brooks Brothers. Mais avec le développement du mouvement Hippy, le style Ivy s’est trouvé mélangé à des marques européennes. C’est cet amalgame qui a fait émerger le style Preppy au début des années 1980.

Pour ce qui est des différences pures, le style Ivy est beaucoup plus codifié ; il fallait s’habiller selon une heure, un lieu, une occasion. De plus les couleurs dominantes étaient assez sobres : bleu marine, gris, marron. Le style Preppy est beaucoup plus débridé et beaucoup plus coloré.

FTDF : Que pensez-vous de la manière dont s’habillent les hommes français aujourd’hui ?

Yasuto Kamoshita : Aujourd’hui, ce que j’en pense ? Rien. Même si je ne l’ai pas vu de mes propres yeux, je pense que les années 1960 étaient la période à laquelle les hommes français s’habillaient le mieux. On peut s’en apercevoir en regardant des films tels que Le Samouraï avec Alain Delon.

FTDF: Avez-vous des icônes de style ?

Yasuto Kamoshita : Je vais sans doute citer les mêmes que beaucoup d’autres : Fred Astaire, Steve McQueen, Jean-Paul Belmondo ou encore Serge Gainsbourg.

Je pense qu’il est bon de tirer ses inspirations de différentes périodes et de différents horizons. Il faut prendre ce qu’on apprécie chez les autres et essayer de l’adapter à sa personne. C’est ainsi qu’on crée son style. Il ne faut pas s’inspirer d’une seule personne et essayer de la répliquer, on ne deviendra jamais élégant en procédant ainsi. Il faut au contraire s’ouvrir et puiser dans plusieurs sources.

FTDF : Quels sont les endroits et les magasins que vous aimez visiter lorsque vous êtes à Paris ?

Yasuto Kamoshita : J’aime aussi bien aller aux Puces qu’aller chez Hermès, Charvet et Arnys. J’aime aussi visiter les musées et me promener rue de Seine.

FTDF : Quel conseil donneriez-vous à un jeune homme essayant créer son propre style ?

Yasuto Kamoshita : Ne te contente pas de la mode et de l’habillement. Sois curieux. Prend le temps d’apprécier les belles choses de la vie. Instruis-toi.

For The Discerning Few remercie Yasuto Kamoshita pour sa disponibilité, son savoir et sa gentillesse.

Remerciements également à Béatrice Kim.

Interview réalisée par Pierre-Antoine LEVY et Virgile MERCIER pour le compte de For The Discerning Few avec l’aide précieuse de Yumiko Kaneko. Paris, janvier 2012.

Looks Printemps - Été 2025

Quelques looks de ce printemps-été 2025 qui nous ont tapé dans l’œil.

Vous pouvez voir toutes les photos ici :

Du bas de pantalon⎜ Un détail élégant qui améliore la ligne du vêtement

Christophe, de chez Chato Lufsen, nous avait montré il y a quelques années une chemisette vintage signée Arnys. Un détail avait retenu notre attention : le bas de manche n’était pas coupé droit, mais en forme “d’ovale” si l’on peut dire.
Autrement dit l’avant était plus court que l’arrière. Une finition discrète qui permet un meilleur tombé.

 
 

Cette idée de finition asymétrique se retrouve aussi chez Kinji Teramoto, acteur clé du développement d’Anatomica Japon et artisan de la renaissance de Rocky Mountain Featherbed.

Dans le dernier numéro spécial Japon du magazine L’Étiquette, il explique que son pantalon est volontairement plus court sur l’avant que sur l’arrière. Un moyen d’assurer un tombé parfait.

De mon côté, certains de mes pantalons sont également retouchés de cette manière.

Je demande au retoucheur de creuser un peu l’avant - jusqu’à 1cm. C’est subtil, mais ça change tout quand on y prête attention - presque invisible, mais plus on regarde, plus ça saute aux yeux. L’arrière du pantalon repose mieux sur la chaussure, la coupe s’en trouve légèrement améliorée.

Lunettes de soleil : ce que les grandes marques ne vous disent pas 

Note : le résumé ci-dessous a été généré automatiquement

Sujet de la vidéo

La RTS (télévision suisse romande) a enquêté sur la qualité réelle des lunettes de soleil vendues par de grandes marques. Le reportage remet en question le rapport entre prix, prestige de marque et performance technique, notamment en matière de protection UV.

Beaucoup de lunettes dites "made in Italy" sont fabriquées dans les Dolomites. Plusieurs marques partagent les mêmes usines, ce qui rend les différences entre modèles parfois minimes, en dehors du design et du logo.

Tests réalisés
Des modèles, dont les Ray-Ban Justin Classic, ont été testés pour vérifier leur conformité à la norme européenne ISO 12312-1. Résultat : certains produits vendus cher offrent une protection UV insuffisante ou inadaptée.

Constats

  • Le prix élevé ne garantit pas une meilleure protection.

  • Les mentions "UV400" ou "catégorie 3" sont parfois absentes ou mal expliquées.

  • Le marketing joue un rôle central dans la perception de qualité.

  • Des lunettes moins connues, voire vendues en supermarché, peuvent offrir une meilleure protection.

Recommandations

  • Vérifier la présence de la certification CE et la catégorie du verre.

  • Demander un test en magasin si possible.

  • Ne pas se fier uniquement à la marque ou au prix.

Crown Northampton - Notre retour d'expérience de leurs Desert Boots

Note : Crown Northampton a accepté de nous envoyer les Desert Boots que vous pourrez découvrir dans cet article.

Si les Desert Boots sont aussi présentes chez des marques comme Drake’s ou même Anglo-Italian, ce n’est pas un hasard. Faciles à associer — avec un jean brut ou un costume en flanelle — elles s’imposent comme une alternative naturelle aux souliers plus formels. Contrairement à certaines chaussures en cuir qui demandent une période de rodage (il faut les “casser”), les Desert Boots se portent tout de suite. Leur suède, souple et mat, accentue leur côté décontracté sans tomber dans le négligé.

C’est exactement pour ça que j’adore ce type de chaussures : elles ne posent jamais de problème. Ni aux pieds, ni devant la glace.

Et il est vrai qu’on porte régulièrement des chemises OCBD, des jeans bruts, des pulls Shetland, des Harrington — bref, tout ce qui tourne autour du vestiaire Ivy League — les Desert Boots s’imposent naturellement. Elles s’intègrent sans effort dans ce genre de silhouette.

Vous pouvez voir les looks d’Andy Spade à ce sujet - via par exemple le tumblr qui lui est dédié ici.

 

ANDY SPADE en couverture de popeye magazine

 

Si Andy Spade porte des Clarks, nous avons de notre côté une préférence pour celles de Crown Northampton.
Pour une simple raison : elles tiennent plus longtemps dans le temps. Enfin, c’est notre expérience. Marcos possède les siennes depuis maintenant plus de 4 ans. Il en est toujours aussi satisfait.

On aime également beaucoup leur sélection de cuir — le Kudu Revserse de CF Stead, le Janus de CF Stead également, du Chromexcel de Horween. De très beaux cuirs.

La marque propose 2 modèles :

  • Woodford Desert Boot (version haute) : silhouette 1950’s, 2 œillets, semelle crêpe, disponible en cuir Kudu Reverse, Janus ou Chromexcel - la paire est non doublée

  • Grove Desert Shoe (version basse) : derby 4 œillets, semelle crêpe naturelle, disponible en cuir Kudu Reverse, Janus ou Chromexcel - la paire est non doublée

Ci-dessous le modèle Grove en Janus (cuir de veau velours Janus) coloris sable. À noter qu’il est à présent uniquement disponible en cuir Kudu, un cuir d’antilope sauvage particulièrement souple et ce dès le premier port.

Étant donné que le koudou est un animal sauvage, sa peau témoigne du terrain qu'il a traversé : marques, griffures et irrégularitées. La plupart des peaux sont trop marquées pour être utilisées. Sur 200 à 300 peaux, une ou deux sont retenues. Parmi celles-ci, seules les plus belles sont réservées aux teintes plus claires comme le sable où l’on voit d’autant plus les défauts.

La paire est disponible ici.

 
 
 

Vous l’aurez compris, le modèle ci-dessous est Woodford Desert Boot (version haute).

On adore particulièrement le fait de pouvoir choisir la couleur de la semelle sur le côté (ici en noir).

Cette personnalisation est rendue possible parce que chaque paire est fabriquée à la commande : pas de stock, les délais de production sint compris entre 12 et 15 semaines pour cette collection Stitchdown.

Elles sont disponibles ici.

Sébastien Espargilhé, tailleur homme Meilleur Ouvrier de France

Rares sont les personnes à avoir obtenu le titre de Meilleur Ouvrier de France (MOF) dans la catégorie tailleur homme. Le métier porté à son plus haut niveau. On peut citer Hélène Serdeczny (2000), Claude Tranchant (1982) et plus récemment Sébastien Espargilhé (2023).

Le comité d'organisation des expositions du travail (COET) qui organise l'examen Un des Meilleurs Ouvriers de France a publié il y a quelques mois une vidéo d’une quinzaine de minutes qui suit Sébastien Espargilhé dans son quotidien de tailleur homme à la Comédie-Française.

Car oui, les MOF tailleur homme ne travaillent pas toujours là où on pourrait les attendre. On imagine spontanément les retrouver chez Cifonelli, Camps de Luca ou dans d’autres maisons emblématiques du sur-mesure parisien. Mais beaucoup exercent (ou ont exercé) ailleurs : dans des ateliers institutionnels comme ceux de la Comédie-Française (Sébastien Espargilhé) ou encore au sein de l’atelier de confection de l’Armée (Claude Tranchant).

À voir.

Baird McNutt Irish Linen

Baird McNutt Irish Linen : histoire et collaborations dans la chemiserie

Vous avez peut-être déjà croisé ces étiquettes Baird McNutt Irish Linen sur une chemise en lin.

La culture du lin en Irlande est relativement ancienne. Elle remonte à l’époque des Phéniciens.

C’est surtout à partir du 17ème siècles que les choses s’accélèrent. L’industrie du lin est promue par deux anglais - Lord Thomas Wentworth, comte de Strafford et James Butler, duc d'Ormonde - pour notamment éviter de trop concurrencer l’industrie textile anglaise de la laine.

C’est un français d’origine, Louis Cromelin qui sera véritablement perçut commme le père du lin irlandais en aidant à moderniser les processus de production. Au 18ème siècle Belfast deviendra même le plus gros producteur de lin au monde. L’apparition des matières synthétiques entraînera par la suite une diminution de la production du lin.

Si autrefois les fils de lin étaient majoritairement filés en Irlande à partir de fibres de lin provenant d’Europe (France, Belgique, Pays-Bas…), aujourd’hui les fils sont achetés - en Chine notamment - pour être tissé en Irlande.

Pour pouvoir garantir l’origine et promouvoir les tissus irlandais en lin, un label a été créé. Il est réglementé par l’Irish Linen Guild. Pour bénéficier de ce label, le tissu doit être être tissé en Irlande (comme expliqué précédemment, les fils peuvent quand à eux provenir de l’étranger) par l’un des membres du Irish Linen Guild. Seules quelques entreprises irlandaises sont labellisés :

  • William Clark

  • Magee

  • Emblem

  • John England

  • Spence Bryson Linen

  • Thomas Ferguson Irish Linen

  • Samuel L’amont

  • Baird McNutt

Baird McNutt est une entreprise textile irlandaise fondée en 1912, issue d’une longue tradition familiale dans le tissage remontant au XVIIIᵉ siècle. L’entreprise revendique 220 ans d’héritage et se présente comme productrice du « lin irlandais le plus fin du monde ».

Ce lin équipe depuis longtemps différentes marques de chemises. On le voit apparaître régulièrement depuis au moins les années 2000. Par exemple, en 2017 la marque de chemises britannique Thomas Pink a lancé une collection spéciale en partenariat avec Baird McNutt. De même, la chaîne américaine J.Crew propose chaque été des chemises « 100% Irish Linen » issues de Baird McNutt.

Aujourd’hui, d’autres acteurs du prêt-à-porter utilisent explicitement ce tissu : Todd Snyder (marque américaine) met en avant sur son site des chemises en « lin irlandais » tissé par Baird McNutt, Suitsupply (marque néerlandaise) propose des chemises en « Pure Linen by Baird McNutt », et des enseignes comme Next (Royaume‑Uni) vendent des modèles nommés « Signature Baird McNutt Irish Linen Shirt ». Sur le marché américain, Dillard’s (sous ses marques exclusives Murano et autres) affiche plusieurs chemises « Baird McNutt Linen » (manches courtes ou longues) dans sa collection printemps/été.

En somme, depuis les années 2010–2020 on trouve du lin Baird McNutt dans les chemises de J.Crew, Brooks Brothers (historique), Murano (Dillard’s), Next, Suitsupply, Todd Snyder, Thomas Pink, etc.

D’autres marques de chemises (par exemple Charles Tyrwhitt) utilisent possiblement ce lin sans toujours le mentionner publiquement.

Où trouver des chemises et vestes en véritable tissu Madras ?

Avec les fortes chaleurs du moment, on a envie de vêtements légers et respirants.

Le Bleeding Madras, avec ses couleurs vives, son tissu aéré et léger mais aussi son histoire riche, semble tout indiqué.

Origines et fabrication

Le Bleeding Madras est la forme originelle du tissu madras, tel qu’il était historiquement tissé à la main dans la région de Chennai (anciennement Madras), en Inde. Le coton utilisé, à fibre courte et non peigné, produit des irrégularités dans le fil appelées slubs, qui donnent au tissu son aspect vivant et texturé.

Par ailleurs les fils sont teints avec des colorants naturels (indigo, curcuma, cochenille), qui ne sont pas fixés chimiquement. Ainsi, les couleurs dégorgent au lavage, ce qui modifie l’apparence du tissu au fil du temps. Le tissu saigne (bleeding) en quelque sorte c’est-à-dire qu’il dégorge, délave, bave légèrement lors des lavages.

Le coup de théâtre marketing

Dans les années 1950, le Bleeding Madras est importé aux États-Unis, notamment par Brooks Brothers. Les clients se plaignent rapidement que leurs chemises se décolorent. Plutôt que d’éviter le problème, le publicitaire David Ogilvy (1911–1999) décide de l’exploiter.

Considéré comme l’un des fondateurs de la publicité moderne, Ogilvy transforme cette fragilité en force : il lance une campagne sous le slogan provocateur "Guaranteed to bleed". Il y raconte que ce tissu se transforme avec vous, au fil du temps, et que son instabilité est précisément ce qui le rend intéressant.

Ce slogan est parfois visible sur des anciennes étiquettes de chemises en Bleeding Madras.

Une leçon de narration : l’homme au cache-œil

Cette stratégie s’inscrit dans la continuité d’un autre coup de génie signé Ogilvy : la campagne Hathaway Shirts. (voir ici) Pour capter l’attention, il fait photographier un homme élégant en chemise blanche... portant un cache-œil noir. L’accessoire, purement fictif, est là pour intriguer et créer un mystère immédiat. L’image, volontairement étrange, force à s’arrêter, à lire, à se souvenir.

Dans une autre version de la publicité (voir capture-écran ci-dessous), cette figure masculine porte une chemise en madras.

CAPTURE ÉCRAN DE SWIPED.CO QUI ANALYSE LA PUBLICITÉ DE DAVID OGILVY

Dans ces annonces, Ogilvy construit un véritable personnage narratif : un homme raffiné, voyageur, amateur de vin, d’opéra, d’art, de vie intellectuelle. Cela suggère que celui qui la porte mène une vie supérieure.

C’est exactement cette logique qu’il applique au Bleeding Madras : ce tissu est spécial, parce que vous ne porterez jamais deux fois la même version. Il évolue avec vous.

De la Ivy League à la pop culture

Grâce à cette approche, le Bleeding Madras devient un emblème du style preppy dans les années 1960. Il incarne la décontraction soignée des étudiants des Ivy Leagues.

Mais au-delà du marketing, le madras possède une histoire textile ancienne. Fabriqué artisanalement sur la côte de Coromandel, il était déjà exporté dès le XVIe siècle vers l’Europe, l’Afrique et les Amériques, sous le nom de Real Madras Handkerchief ou George Cloth. Il fut aussi largement réapproprié dans les cultures caribéennes. Aujourd’hui, certaines marques perpétuent l’utilisation de ce tissu produit à la main, dans un souci d’authenticité et de continuité culturelle.

Où trouver du véritable Bleeding Madras

Quelques marques ou détaillants proposent encore des chemises réalisées dans ce tissu d’origine - théoriquement encore tissé sur des métiers manuels - et n’utilisant pas de teintures modernes stables :

  • Original Madras Trading Company
    L’entreprise new-yorkaise travaille directement avec des ateliers à Chennai. C’est sans doute la référence la plus légitime aujourd’hui.

  • Drake’s
    La maison anglaise propose régulièrement des chemises estivales en bleeding madras

  • Individualized Shirts
    Basée aux États-Unis, la marque propose régulièrement des chemises Bleeding Madras. Leurs chemises ne sont pas bien distribuées en dehors du Japon.

  • New England Shirt Co.
    Une des plus anciennes fabrique de chemises américaines encore actives, avec un goût affirmé pour les tissus traditionnels

  • O’Connell’s
    Ce détaillant de Buffalo, NY, propose un vaste choix de chemises de style Ivy, dont certaines en bleeding madras

  • John Simons
    Boutique emblématique de Londres, elle propose parfois des chemises en tissu madras sous sa propre marque

Soldes intéressantes à ne pas manquer

Les soldes d'été seront officiellement lancées en France depuis le 25 juin 2025 et se poursuivent jusqu'au 22 juillet . Mais sur internet c’est déjà moment idéal pour dénicher de belles pièces à prix réduits.

Deux sites incontournables proposent déjà une large sélection d’articles en promotion :

Pour vous aider à naviguer parmi les meilleures offres, voici une sélection d'articles en soldes actuellement disponibles sur ces deux sites.


JM Weston 180 en suède – Taille 8 disponible
Prix soldé : 390 €
Voir l’offre sur Mr Porter

Difficile de trouver mieux à ce prix, surtout pour du Made In France fait dans les règles de l’art.
Un classique, bien soldé, dans une pointure courante.

G.H. Bass Weejuns Layton – Taille 8 encore dispo
Prix soldé : 96€
Voir l’offre sur Mr Porter
Version à pampilles et empeigne frangée, en cuir noir.
Idéal avec un jean brut ou un chino clair. À ce prix, ça part vite.

nis Meáin Aran‑Knit (mérinos & cachemire)
Prix soldé : ≈ 263 € (au lieu de 525 €, soit -50 %)
Voir l’offre sur Mr Porter

Novesta Marathon Trail – en vente chez END.
Prix : à partir de 125 € (gris/beige) ou 179 € selon coloris

Lien vers END.

Anderson’s ceinture cuir 3,5 cm – Plusieurs tailles (EU 75–105)
Prix : 135 € (coloris brun)
Voir l’offre sur Mr Porter

Ceinture en cuir de veau élégant, boucle argentée, confection italienne soignée. Un accessoire essentiel pour sublimer pantalon habillé comme jean.

Yuketen Rob’s Suede Penny Loafer – Taille 8  et 10
Prix actuel : 330€ — 50% off
Voir l’offre sur Mr Porter

Pitti Uomo 2025 - Toutes les photos

Pitti Uomo 108 : les silhouettes marquantes

Le salon Pitti Uomo se termine demain à Florence. Comme chaque saison, il a réuni passionnés de mode masculine, créateurs et acheteurs venus du monde entier.

Je n’ai pas pu m’y rendre cette fois-ci, mais j’ai sélectionné quelques liens à consulter pour avoir un bon aperçu de l’ambiance et des silhouettes croisées dans les allées. Une manière de suivre le salon à distance et d’observer les orientations stylistiques du moment.

À voir :

 

capture écran

 

Chemise sans col, coupe popover : ce que propose Delikatessen

Note : nous avons reçu la chemise pour la réalisation de cet article

La marque Delikatessen nous a contactés il y a quelques semaines. Comme on avait justement envie de tester une chemise d’été différente de ce qu’on a déjà dans notre garde-robe, on s’est tournés vers leur modèle Zen, en coton-lin italien.

Sans col classique, avec une gorge cachée, elle coche plusieurs cases qu’on aime retrouver dans une pièce estivale : confort et matière agréable. Nous avons choisi la taille M, qui correspond bien à une silhouette standard sans être ajustée.

 
 

Le col officier, aussi parfois appelé col grand-père, remplace ici le col traditionnel par une bande simple qui dégage le cou. Autrement dit il n’y a pas de rabat de col, mais juste un pied de col. Parfait pour l’été.

La gorge de boutonnage est dissimulée, ce qui donne à la chemise un aspect visuel qui peut évoquer de loin une coupe popover, sans en être une. Ce type de gorge, souvent associé à des chemises formelles voire très formelles comme celles portées avec un smoking (tuxedo shirts), est ici utilisé dans un registre beaucoup plus détendu.

Le tissu est un mélange de coton et de lin, fourni par Monti. Fondée en 1911, la maison italienne Monti fait partie des tisseurs de chemises les plus reconnus avec Albini, Canclini, Thomas Mason ou Alumo. Elle fournit aussi bien des marques de prêt-à-porter que des chemisiers sur mesure. Ici, on retrouve un tissu léger, au toucher sec, avec juste ce qu’il faut de moelleux. La couleur beige tire légèrement vers le sable, ce qui permet de l’associer facilement à des tons neutres ou plus bruts.

 
 

Dans le dos, deux pinces ont été ajoutées. Pour être honnête, on n’a jamais eu une grande attirance pour les pinces. Avec l’arrivée des coupes plus larges ces dernières années, elles nous semblaient un peu inutiles, voire décalées par rapport à ce que la mode proposait.

Mais sur cette chemise, on a un peu changé d’avis. Elles permettent d’affiner la coupe sans en faire trop, en réduisant l’excès de tissu au niveau de la taille.

Le blog Stiff Collar résume bien la chose dans un article récent : les pinces ne sont pas là pour « cintrer » à tout prix, mais pour équilibrer la silhouette entre le devant et le dos. Et ici, elles remplissent leur rôle discrètement mais efficacement.

 
 

La chemise est fabriquée en Pologne, dans un des ateliers familiaux partenaire de longue date de la marque.

 
 

En résumé, cette chemise réussit à proposer quelque chose d’un peu différent, sans chercher à se faire remarquer. Si vous avez envie d’une chemise légère, confortable et un peu en marge des standards plus habituels, c’est une piste à considérer.

La chemise est disponible au prix soldé de 99 euros sur le site de la marque : Zen Grandad Collar Shirt – Delikatessen

Son of Stag visite Paraboot : le savoir-faire français vu de Londres

La chaîne YouTube de Son of Stag, le magasin londonien bien connu des amateurs de selvedge, workwear ou de vintage mérite qu’on s’y attarde. Leur ton est simple, sans mise en scène inutile, et régulièrement porté vers la connaissance des produits. Leur dernière vidéo est un bel exemple de ce regard juste qu’ils portent sur les choses : une visite de l’usine Paraboot, en Isère.

On y suit pas à pas les étapes de fabrication de leurs modèles emblématiques, du découpage du cuir jusqu’au montage de la semelle, réalisé selon les fameux cousus norvégiens ou Goodyear. Les plans sont bien rythmés, on voit vraiment les mains au travail, et tout est commenté avec respect et précision.

Ce qui rend cette vidéo encore plus agréable à regarder, c’est que nous avions eu la chance de vivre exactement cette visite il y a maintenant quelques années. Nous en avions parlé ici, après avoir été accueillis par Fred, passionné et passionnant, qui connaît Paraboot comme sa poche. Revoir aujourd’hui les mêmes machines, les mêmes gestes, rend cette vidéo encore plus parlante.

 

Et ce n’est pas tout. Quelques semaines plus tôt, Son of Stag avait déjà publié une autre vidéo tout aussi réussie, cette fois chez Lavenham, en Angleterre. On y découvre les coulisses de cette marque spécialiste du matelassage, dont les vestes ont séduit aussi bien les écuries anglaises que les boutiques pointues comme L’Echoppe à Tokyo. Nous avions d’ailleurs évoqué leur collaboration dans un article précédent.

La vidéo montre les différentes étapes de fabrication, dans un atelier encore à taille humaine. L’accent est mis sur la précision des coutures, la qualité des matières, et cette manière très anglaise d’allier technique et discrétion.

Connaissez-vous Edward Lyman  Munson ? L’origine de la Modified Last d’Alden

Connaissez-vous Edward Lyman Munson ?

Si vous vous intéressez aux chaussures militaires, aux formes (lasts), ou plus largement à l’histoire de la chaussure, le nom d’Edward Lyman Munson mérite certainement votre attention.

Médecin militaire et chercheur, Munson a joué un rôle fondamental dans la standardisation de la chaussure militaire américaine au début du XXe siècle.

Il est notamment à l’origine de ce qu’on appelle encore aujourd’hui la Munson Last : une forme développée pour améliorer le confort et la robustesse des bottes destinées aux soldats. Une forme qui, paradoxalement, continue d’influencer de nombreuses marques, un siècle plus tard.

Une chaussure pensée pour la marche

Avant Munson, les bottes militaires américaines étaient souvent rigides, mal adaptées à la forme naturelle du pied, et responsables de douleurs fréquentes et de blessures. En tant que chirurgien militaire, Munson a observé ces défauts sur le terrain, notamment pendant la guerre hispano-américaine de 1898.

Il a alors mené une étude approfondie sur les pieds des soldats, incluant des mesures précises, l’observation de la marche, et l’analyse de l’usure des chaussures. Son objectif : concevoir une forme respectant l’anatomie du pied en mouvement. Contrairement aux formes étroites à bout pointu alors en usage, la Munson Last élargit l’avant du pied, respecte l’axe du gros orteil, et permet une foulée naturelle.

Résultat : une chaussure plus confortable, plus stable, plus fonctionnelle. Elle est officiellement adoptée par l’armée américaine en 1912.

Une forme encore copiée aujourd’hui

Le plus intéressant, c’est que cette forme militaire a survécu à son usage initial. Des marques comme Viberg s’en sont inspirées pour leurs modèles workwear.

Certaines l’ont même intégrée directement : Alden, par exemple, s’est appuyée sur la Munson Last pour développer sa fameuse Modified Last, aujourd’hui utilisée pour ses modèles orthopédiques et workwear haut de gamme.

On retrouve aussi l’esprit Munson dans plusieurs modèles contemporains : forme large à l’avant, cambrure naturelle, maintien du talon — un mélange de confort et de robustesse qui séduit autant les amateurs de vintage que les connaisseurs.

Où lire Munson lui-même

Le travail d’Edward Lyman Munson est accessible dans son propre ouvrage, publié en 1912, intitulé
“The Soldier’s Foot and the Military Shoe” disponible ici.

 
 

Ce livre est aussi disponible gratuitement en ligne au format PDF via la Wikimedia Commons :
👉 Lire le PDF

Il contient des chapitres détaillés sur la physiologie du pied, les erreurs fréquentes dans la fabrication des chaussures militaires, et la méthode employée pour développer la Munson Last. C’est un document dense, très technique, mais particulièrement intéressant pour quiconque souhaite comprendre comment le design peut naître d’une nécessité purement fonctionnelle.

Pourquoi ça compte

Comprendre la Munson Last, ce n’est pas seulement étudier un objet historique. C’est voir comment une démarche scientifique et empirique — pensée à l’origine pour l’endurance et la santé des soldats — a influencé le design civil, jusqu’à devenir un repère esthétique et technique dans l’univers workwear.

Dans un monde où beaucoup de chaussures sacrifient le confort au profit de la ligne, revenir à Munson, c’est rappeler que la vraie élégance commence souvent par la justesse de la forme.

Rube Fernando : un pionnier méconnu de l’industrie textile outdoor

Qui connaît le nom de Rube Fernando ? Assurément peu de monde. Et pourtant son invention est utilisée quotidiennement dans les ateliers qui produisent des vêtements outdoor.

 

Photo de l’excellent livre Mountain Style: British Outdoor Clothing 1953-2000

PHOTO DU HAUT : Fernando (au centre)
En dessous : une machine de scellage de coutures Mark I

 

Arrivé au Royaume-Uni dans les années 1960, depuis le Sri Lanka, Rube Fernando commence sa carrière chez Singer, à Glasgow, fabricant de machines à coudre. Il suit une formation technique, avant de décider de poursuivre ses recherches de son côté.

À partir du milieu des années 1970, il se consacre à l’idée d’une machine capable de sceller automatiquement les coutures. À l’époque, ce travail était effectué manuellement à l’aide de brosses et de colles — une tâche lente, pénible et pas toujours fiable.

Un procédé que réalise d’ailleurs toujours (avec soin) Mackintosh - par exemple. Illustrations ci-dessous, la colle est appliquée à la main, photos mackintosh.com.

 
 

Avec l’aide de contacts dans l’entreprise Ardmel, spécialisée dans les équipements automatisés, Rube Fernando développe un prototype fonctionnel. Ingénieur de formation mais aussi excellent vendeur, Fernando parcourt le pays, démontrant personnellement sa machine aux fabricants.

La première vente a lieu en 1979, et bien que les débuts soient modestes, un tournant survient lorsque l’armée britannique impose le scellage des coutures dans ses uniformes. À partir de là, la machine devient incontournable.

Sa création, la MK-1 Seam Sealer, permet de rendre les vêtements véritablement imperméables, sans compromis sur la souplesse ou la légèreté. Cette innovation discrète mais déterminante s’impose rapidement dans les ateliers de vêtements techniques et outdoor, en Europe comme en Asie.

 
 

Fernando rejoint officiellement Ardmel, dont il devient rapidement une figure centrale. L’entreprise ouvre une usine au Sri Lanka, qui emploie plus de 1 000 personnes et produit pour de nombreuses marques internationales.

Toujours aussi passionné, il fonde aussi Keela, une marque écossaise spécialisée dans l’équipement des services de secours et autres professionnels de terrain.

Cette marque existe encore aujourd’hui.

Malloch's Printemps Été 2025

Ça fait quelques temps que je cherchais un pull en laine mérinos assez dense. Un peu dans le style de celui ci-dessous vendu par Goodschp, mais avec un col plus large.

Je voulais surtout un pull à l’aspect plus lisse, plus soyeux, qui ne bouloche pas facilement. Pas un pull moelleux ou duveteux comme peuvent l’être ceux en laine shetland, mais quelque chose de plus net, moins hivernal et plus “4 saisons” s’il on peut dire.

 
 

Une solution à cette problématique peut être trouvée chez Malloch’s pour ce Printemps / Été.
Saisons après saisons cette marque ne nous déçoit pas et les prix restent contenus.

Comme à son habitude ils utilisent de très bons fils, ici de chez Tollegno pour ce pull en laine mérinos tricoté en Écosse.

La marque sort aussi cette saison un polo avec John Smedley, le spécialiste britannique des polos en maille. Chris, le fondateur de Malloch’s, portait régulièrement des polos vintage John Smedley, en coton et en mérinos, et appréciait particulièrement le col traditionnel à pointes longues. D’où l’idée de cette collaboration.

L’ensemble de cette nouvelle collection est visible ici.

Où trouver les t-shirts que portait Bruce Lee ?

Tout est parti d’un article que j’ai lu dans Monocle, une interview de Junyin Gibson* de chez Drake’s (lien ici). Il y évoque un t-shirt au nom de Lee Kung Man que Bruce Lee portait. Un essentiel selon lui.

Intrigué, j’ai voulu en savoir plus.

*au passage il dit également porter régulièrement des Weston, les 180

 

CAPTURE ECRAN DE L’ARTICLE EN QUESTION

 

Lee Kung Man, fondée par Fung Sau-yu dans les années 1920 à Canton (Guangzhou, Chine), est l’une des plus anciennes usines de tricotage de la région. L’entreprise démarra avec six métiers à tricoter manuels dans un petit atelier cantonais.

Très rapidement, Lee Kung Man prospéra : dès 1927 elle produisait des t-shirts et ouvrait une succursale à Hong Kong (qu’elle inaugura officiellement en 1928). Durant la guerre sino-japonaise (fin des années 1930), l’usine de Canton fut détruite et la production déplacée – d’abord dans le district de Shunde, puis à Hong Kong vers 1940.

Après la Seconde Guerre mondiale, Lee Kung Man continua d’opérer en Chine continentale, mais la nationalisation qui suivit l’arrivée des communistes en 1949 força la famille dirigeante à établir définitivement son siège à Hong Kong. Le fondateur Fung Sau-yu mourut en 1952.

Marques emblématiques : Golden Deer et Cicada

L’usine a créé plusieurs marques cultes, dont Golden Deer (金鹿) et Cicada (秋蟬). Le nom Golden Deer – représenté par un logo cerf bondissant – figure sur l’emballage classique des T-shirts de l’usine. Cicada (parfois appelé « Autumn Cicada ») est une autre ligne de sous-vêtements qui porte en logo une cigale stylisée.

Autre particularité conservée : l’emballage. Les vêtements Lee Kung Man sont encore vendus dans de vieilles boîtes en carton jaune illustrées du cerf Golden Deer, exactement comme il y a cinquante ans.

Idem pour leurs boutiques : les articles sont toujours empilés dans les boîtes originelles et il n’y a pas cabine d’essayage – tout est resté dans son jus.

 
 

Méthodes de fabrication

Leurs t-shirts sont encore fabriqués sur des machines à tricoter tubulaires - pas de coutures latérales - datant des années 1950. Le coton utilisé est majoritairement mercerisé (traité à la soude), ce qui donne au tissu une texture soyeuse.

Bruce Lee et l’icône culturelle

L’histoire de Lee Kung Man est intimement liée à Bruce Lee. Ce dernier portait fréquemment le célèbre tee-shirt (de type henley) blanc Lee Kung Man (via la marque Golden Deer) dans ses films de kung-fu des années 1970, le revêtant même tout seul.

On dit “tout seul” car il ne faut pas oublier qu’à cette époque, ce henley était considéré comme un sous-vêtement – personne ne le portait pour lui même .

En l’enfilant à l’écran sans chemise par-dessus (par exemple dans The Big Boss), Bruce Lee a popularisé ce henley simple. La notoriété de Lee Kung Man en fut démultipliée.

État actuel et héritage dans la mode contemporaine

Aujourd’hui, Lee Kung Man reste fidèle à Hong Kong. La marque continue d’y fabriquer là bas. Elle exploite quatre magasins traditionnels (Sheung Wan, Wan Chai, Sham Shui Po, Yau Ma Tei) et n’a pas de e-commerce.

Vous pouvez néanmoins trouver un t-shirt de la marque Golden Deer chez Bryceland’s London ici.