Camiseria Burgos – Le chemisier du roi espagnol, le roi des chemisiers espagnols

Texte : Marcos E.

La devanture aujourd’hui (Photo prise lors de notre visite à Madrid en octobre 2022)

Au numéro 2 de la calle de Cedaceros à Madrid se trouve le plus ancien chemisier d’Espagne. L’emblématique Camiseria Burgos fut fondée en 1906 par Julian P. Burgos. Désormais dirigé par la famille Olave, cet écrin extraordinaire a eu pour clients de véritables légendes du passé telles qu’Hemingway, Orson Welles, Cary Grant ou encore Pablo Picasso. Tous ont goûté à l’élégance de cette maison au charme racé. 

Lors d’un weekend madrilène, j’ai pu visiter ce temple historique du vêtement espagnol dans lequel tout est fabriqué sur place ou en Espagne dans des tissus incroyables.

Ouvrons les portes de Burgos.

Une boutique au flair authentique

Je suis accueilli par Carmen Alvarez, troisième génération et arrière-petite-nièce du repreneur Santiago Olave. Le magasin baigne dans une lumière claire dans un écrin de style Art nouveau tardif. Le plafond est haut, permettant aux nombreuses vitrines murales de s’y loger afin d’exposer des pièces d’exception.

 

L’intérieur de la boutique Burgos avec la chaise sur laquelle avait pour habitude de s’asseoir Cary Grant

 

Ma femme, qui m’accompagnait, s’assois sur la chaise en noyer au premier plan sur la photo. « Cary Grant avait pour habitude de s’y installer et passer des journées à discuter avec mon arrière-grand-mère, il adorait notre boutique ». Le ton est donné, nous sommes dans un lieu d’exception comme il en subsiste peu.

Telles des œuvres d’art, le savoir-faire de la maison est exhibé magistralement derrière des vitrines

« Voici le modèle de Guayabera que portait Hemingway, il adorait cette chemise » précise Carmen. Cette chemise si particulière tire son nom des quatre poches – deux sur la poitrine et deux sur la taille – qu’elle dénombre. 

Le modèle de Guayabera d’Ernest Hemingway

Portée notamment en Amérique latine et vu comme un symbole anticolonial par excellence, elle a été créée par les agriculteurs cueilleurs de quenettiers – guaya en Espagnol – qui avaient cousu plusieurs poches sur leurs chemises afin de maximiser la récolte et pouvoir transporter des fruits plus nombreux. 

Ernest Hemingway portant sa Guayabera Burgos en 1957.
Photo colorisée, prise par le photographe mythique Yousuf Karsh, tous droits réservés

Les porteurs de Guayaberas sont innombrables, de Fidel Castro en passant par Roger Moore ou même le Prince Harry, cette chemise respire l’été et l’insouciance. Elle est majoritairement taillée dans un mélange lin/coton blanc et peut aussi bien être à manches longues que courtes.

Une Guayabera sur-mesure en lin et coton blanc a été commandée chez Burgos mais nous consacrerons un article et shooting entier à cette pièce mythique de la maison lorsque la chaleur reviendra. 

Un savoir-faire espagnol d’exception

Burgos est le chemisier attitré du roi d’Espagne. « Nous sommes le chemisier de Felipe VI bien avant qu’il soit monté sur le trône, nous en sommes très fiers ! » s’exclame Carmen. Il y a de quoi. Avec des références de tissus prestigieux tels que Thomas Mason – proposant popeline, twill, oxford ou encore lin – les choix sont innombrables et de qualité.

Photo dédicacée du Roi Felipe VI, à l’époque encore Prince.

« Salutations affectueuses à la Camiseria Burgos pour ce premier centenaire. Félicitations à tous et mes meilleurs sentiments pour votre futur » peut-on lire sur la carte.

Récemment, le roi en vacances portait un chemise Guayabera de la maison. « Il est un peu notre ambassadeur en quelque sorte, du savoir-faire espagnol d’exception » termine Carmen.

Le roi portant sa Guayabera Burgos

un des nombreux book de tissus de Thomas Mason pour Burgos

les différentes inscriptions possibles sur les chemises, allant de couronnes aux simples initiales

« Chacune de nos chemises sont coupées dans notre atelier, au sous-sol de notre boutique. Suivez-moi ». Carmen me mène vers un escalier en colimaçon menant vers un salle au grand plafond et à l’atmosphère paisible. « Voici notre tailleur en chef, Julio, il est ici depuis plus de 15 ans ». Ce qui me frappe d’emblée est la minutie par laquelle les artisans se consacrent à leur travail de découpe. J’ai tout de suite pensé aux tailleurs de Savile Row qui empilent soigneusement les patrons de clients en les référençant nominativement.

Julio, en haut à droite, coupant des patrons en papier kraft, comme le veut l’usage à Savile Row

Des chemises coupées, prêtes à être cousues

Voici à quoi ressemble le sol après une journée de découpe – vision tronquée !

Carmen poursuit : « notre clientèle est pour 20% étrangère mais l’autre 80% est bien espagnole et a des attentes sur la qualité de nos produits. Un client se plaignait qu’il détériorait ses chemises en les repassant…pour palier cela, il nous arrive de recevoir les aides ménagères de certains de nos clients pour leur montrer précisément comment repasser nos chemises ! Nous proposons aussi un service de repassage et teinturerie, c’est cela aussi le service Burgos ».

Burgos confectionne des chemises bespoke – à la main – ou en MTM – à la machine – les prix varient de 90 à 400 € selon le choix de la prestation et du tissu. Bonne nouvelle, Burgos permet le remote MTM, la possibilité d’envoyer ses mesures par mail afin de commander une chemise. Une deuxième bonne nouvelle vous attend à la fin de cet article.

La « Domecq », la Teba de Burgos 

La Teba, c’est une longue histoire d’amour. A mon sens, la pièce la plus facile à intégrer dans une tenue tant elle est un véritable caméléon. Pouvant se porter avec ou sans cravate, cette veste est véritablement le couteau suisse – ou Leatherman – d’une garde-robe masculine. Les pants droits de la veste en font une pièce peut-être plus casual que dressy mais là réside sa beauté.

 
 

Lorsque Carmen m’a demandé d’essayer la Teba de Burgos, j’étais très intrigué. La particularité de celle-ci réside dans le fait qu’elle emprunte quelques caractéristiques du blazer tout en gardant son âme de « Tiradora » – l’autre nom de la veste Teba – initialement une pièce pour chasser. 

Comme la version classique, la Domecq est complètement déstructurée – toujours extrêmement agréable à mon sens – mais avec des pants arrondis et deux fentes dans le dos. La « Domecq » arbore toujours les manches à poignets de chemises, le col sans revers caractéristique et trois poches plaquées dont une poitrine. 

 
 

J’ai choisi un tissu luxueux, un cachemire bleu épais à la main extrêmement agréable et moelleuse ainsi que des boutons dorés pour un look à la Brooks Brothers totalement assumé. Je pense que les vêtements hybride ne durent pas toujours dans le temps, notamment au point de vue du style. Mais ici, quelque chose fonctionne. Je dois confesser que les pants arrondis me dérangeaient initialement, car pour moi la Teba est droite et sans fentes dans le dos. Telle une vision de puriste. Mais j’ai pu voir dans les rues madrilènes quelques messieurs porter la Domecq, dans des tenues plus ou moins habillées, avec élégance. 

La Domecq est entièrement confectionnée en Espagne, à Saragosse par Justo Gimeno. Elle est une exclusivité Burgos.

Comment porter la Domecq ?

La Teba Domecq est plus formelle que sa cousine classique. J’aime beaucoup ce côté Brooks Brothers à l’Américaine. Pour cette raison, j’assume totalement cette tenue Ivy.

Je porte une cravate club Gabucci, des mocassins en cordovan Alden, des chaussettes beige, une chemise OCBD verte de Kamakura, un pantalon beige – khaki pour les puristes – Uniqlo U, pour un look américain assumé.

 
 

En résumé : l’excellence espagnole

Les particularités de la Domecq sont les boutons dorés ainsi que les pans incurvés de la veste la rendant plus formelle, tel un blazer classique.

La Domecq est coupée ici dans un tissu luxueux, un cachemire bleu à la main moelleuse qui ne froisse pas. Il est possible de passer commande dans d’autres tissus et couleurs, avec ou sans boutons dorés, vous pouvez personnaliser votre Domecq.

L’autre bonne nouvelle – souvenez-vous plus haut – est que Burgos a un eshop en ligne – pour le moment uniquement en Espagnol, mais une traduction Google fait l’affaire – et propose des modèles en prêt-à-porter. Comptez 150 € pour une Guayabera et 450 € pour une Teba.

 
 

Quelques photos lors de notre visite à la boutique et atelier, à Madrid.