Chemise Western en jean dents de scie

Chemise Western

Via Piana Sawtooth Shirt

 

Texte : Marcos E.
Photos : Thomas M.

En 1958, Arvid Carlsson et Nils-Ake Hillarp font une découverte qui changera le monde et sa perception. Une hormone et neurotransmetteur essentielle à l’expression et au ressenti du bonheur : la dopamine. Notre cerveau est constitué d’un immense champ de neurones, reliés entre eux par des connexions synaptiques. Un organe qui fascine. Cette quête de dopamine est permanente. Une quête sans début, sans fin. Une quête qui se cristallise par certains moments du quotidien, ou certaines choses. Cette dopamine, je l’ai retrouvée dans un vêtement, la chemise western.

Décryptage.

Je cherchais depuis longtemps une western shirt. Mais pas n’importe laquelle, une sawtooth western shirt. Comprendre : une chemise western à dents de scie. J’ai fini par la trouver de l’autre côté de l’Atlantique…au Canada.

Notre ami Arthur de SuperStitch (relire l’article ici) m’avait parlé d’un talentueux couturier spécialisé dans le denim, Ben Viapiana. Il a fondé sa marque et propose des vêtements en MTM avec une personnalisation très poussée.

J’ai fini par commander une chemise Western Sawtooth, 6 boutons (snap buttons) avec des pointes à 10 cm et surtout en renseignant mes mesures. Pour 275$ Canadien, vous pouvez éprouver la fameuse hormone du bonheur. Une fois la commande passée, il faut être très patient. J’ai reçu ma chemise 3,5 mois plus tard, mais l’attente en valait la peine.

Le tissu est un cone mills 10.5 oZ (pour voir les tissus dispo, c’est ici : https://www.viapiana.ca/material/). Le mieux est évidemment de contacter Ben directement sur Instagram ou par le formulaire de contact sur son site.

J’ai demandé à Ben de répliquer couture pour couture la fameuse western shirt sawtooth de Levi’s (que Bryceland’s a reproduit aussi).

Je porte cette chemise avec tout. Du sartorial comme du jeans. C’est fou comment cette pièce est un vrai caméléon. Sur les photos, je la porte avec un chino en velours blanc Uniqlo, une casquette en laine de la même marque et des Alden unlined penny loafers.

Voilà une belle découverte que nous recommandons chaudement chez Les Indispensables. En plus de cela, Ben est quelqu’un d’éminemment sympathique !

Qui est l'inventeur de la chemise Western ?

Papa Jack au cente
Image rockmount.com

Jack A. Weil "Papa Jack" a fondé Rockmount Ranch Wear en 1946. Il était l’un des PDG le plus âgé au monde, travaillant quotidiennement jusqu'à l'âge de 107 ans. On considère souvent qu’il était à la chemise western ce qu'Henry Ford était à la voiture.

Papa Jack a fabriqué les premières chemises western à boutons-pression en 1946. Son design caractéristique comporte des empiècements aux épaules et au dos, ainsi qu’une coupe proche du corps qui flatte la silhouette masculine en mettant en valeur le torse et les épaules. Cette chemise était définitivement faite pour être plus élégante. Mais aussi et surtout pour être plus fonctionnelle.
Les empiècements aux épaules et au dos renforçaient les parties de la chemise qui s'endommageaient facilement au contact de bagages et autres charges. Les rabats des poches “sawtooth”, dits en dents de scie, permettaient de sortir une cigarette ou un stylo avec plus de facilité. Les bouton-pressions rendait également la chemise facile à déboutonner, même avec des gants. Bien que de nombreuses marques aient copié de tels détails, Jack Weil est connu comme l'inventeur et le promoteur de ce design de base d'une chemise western. 

L’idée des boutons pressions lui ai venue avant la guerre, alors qu'il visitait la ville de San Francisco. Il avait remarqué qu'un tailleur chinois confectionnait des chemises avec des boutons-pression au lieu de boutons classiques. Enthousiasmé par l'idée, il se rendit à la fin de la guerre à la Scovill Manufacturing Company, située à New York. Scovill fabriquait à cette époque les meilleurs boutons snaps des Etats-Unis. C’est ainsi que les premières chemises western ont pu voir le jour.

Son fils Jack B. a rejoint l'entreprise en 1954 et a dirigé le pôle artistique et merchandising pendant cinquante ans. Steve, la troisième génération et actuel président de Rockmount, a grandi dans l'entreprise et a commencé à y travailler à partir de 1981. Steve a non seulement continuer l’extension de l'entreprise à l'international mais a aussi repris la partie stylistique. Il a introduit les chemises Relaxed Fit qui sont maintenant un standard de l'industrie.

Steve a par ailleurs écrit un livre sur cette culture de la chemise Western : Western Shirts: A Classic American Fashion. Il y raconte l'histoire des personnes qui ont popularisé cette mode. Il passe ainsi en revue plus de 70 ans d’histoire de la mode.

Western Shirts: A Classic American Fashion de Steve Weil
Image Amazon.com

Aujourd'hui, avec l'arrivée de David Oksner, l'arrière-petit-fils de Papa Jack, le petit-fils de Jack B. et le neveu de Steve, Rockmount continue d’être un fabricant de vêtements, de chapeaux et d'accessoires et ce depuis quatre générations. La marque Rockmount est vendue par 1 000 détaillants dans le monde, de Santa Fe à Tokyo.

Des musées comme le Smithsonian et le Autry Museum of the American West ont des pièces Rockmount dans leurs collections. La poche signature "Sawtooth" et le design à bouton-pression "Diamond" sont désormais célèbres mondialement.

Eric Clapton, Bob Dylan, Robert Plant, Robert Redford ont fait partie des clients de Rockmount, tout comme Elvis Presley, Ronald Reagan et David Bowie.
Les chemises de Rockmount sont visibles dans de nombreux films : portées par Heath Ledger et Jake Gyllenhaal dans Brokeback Mountain (les chemises ont ensuite été vendues aux enchères pour 101 000 $), Clark Gable et Marilyn Monroe dans The Misfits , Aidan Quinn dans Practical Magic , Robert Redford dans The Horse Whisperer ou encore Nicholas Cage dans Red Rock West.

Le magasin phare de Rockmount est un monument historique construit en 1909 dans le bas du centre-ville de Denver. Rockmount est la dernière entreprise “ancienne” du quartier. Un quartier qui comprends également un musée de vêtements vintage Rockmount.

Fabrication

Comme expliqué sur le site designobserver.com, M. Weil faisait encore fabriquer ses chemises aux USA bien après que ses concurrents aient délocalisé à l'étranger ; il a également refusé de favoriser les grandes enseignes comme Wal-Mart par rapport à ses clients traditionnels plus petits.

"Je n'ai jamais voulu être l'homme le plus riche du cimetière", avait-t-il déclaré.

M. Weil ne comprenait pas pourquoi les gens collectionnaient de vieilles chemises western. Il fut consterné lorsque son petit-fils Steve l’a appelé avec un certain enthousiasme pour lui dire qu'il avait trouvé une chemise originale Rockmount et que le revendeur avait accepté en échange deux nouvelles chemises.

"Quoi?" s'exclama Jack. 
“T’as échangé deux chemises neuves en parfait état contre une ancienne que nous avons vendue trois dollars il y a 40 ans ?”