Si j’ai décidé d’illustrer mon propos par le croquis de l’excellent RoSaCe – alias Croquis Sartoriaux – c’est parce j’ai déjà vécu cette scène.
Je me trouvais à un mariage et je portais un costume hopsack bleu, une chemise bleu ciel et une cravate en tricot aubergine de la marque Berg&Berg (celle-ci ). Alors que je sirotais un champagne Bolinger tel James Bond, un ami s’exclame : « Eh ! Mais ta cravate n’est pas nouée correctement, le petit pan dépasse du grand et surtout, elle est trop longue ! ». Là, je lui rétorque : « je t’arrête tout de suite Jean-Michel – son prénom a volontairement été modifié – voici l’explication ». N’étant pas très grand et portant des pantalons taille haute – au niveau du nombril et souvent même au-dessus – je me retrouve inévitablement comme le monsieur de gauche sur le croquis ci-dessus. Au-delà de la simple « gimmick » de style, ma façon de porter la cravate est le résultat d’un choix délibéré de confort. Oui, de confort. Ceux qui ont déjà essayé de véritables pantalons taille haute vous diront comme moi : les essayer, c’est les adopter. Ainsi, le port d’un pantalon taille haute a l’avantage de rallonger visuellement les jambes mais l’inconvénient de rapetisse le buste. Résultat, la cravate paraît forcément plus longue. Ce n’est personnellement pas du tout un effet qui me déplaît, bien au contraire.
Il est énervant de devoir expliquer et justifier ses propres choix stylistiques aux personnes qui sont conditionnées par des « codes » - parfois insensés - mais cela permet de prendre de la hauteur. Je ne prétends évidemment pas avoir la bonne recette, mais je pense qu’il faut pouvoir décomplexer le port de la cravate et je suis heureux d’avoir trouvé ce qui me sied personnellement. Si je devais tout de même édicter un « code » que je m’applique – et que je vous conseille de suivre également – ce serait de ne jamais porter la même couleur de cravate et de pochette. Pourquoi ? Car le rappel de couleur est inélégant et attire l’œil instantanément sur cette combinaison chromatique trop calculée. Si vous insistez, jouez plutôt sur les tons : choisissez la pochette d’un ton plus claire ou plus sombre que votre cravate, cela donnera du relief à votre tenue. Je ne porte plus que rarement la pochette, mais lorsque je décide d’en porter une, je la choisis sobre.
Chacun a une anecdote à raconter sur la cravate. Des bonnes, des moins bonnes et des surprenantes. Celle qui va suivre entre définitivement dans la dernière catégorie. En 2009, je suis invité par mon ancien lycée pour une réunion d’école au Cercle Interallié : un club très sélect, qui loue parfois ses locaux en vue d’évènements privés. Le dress code est très strict, n’entre pas qui veut…Muni de mon invitation et d’un intérêt naissant pour la mode masculine, je me présente à la conciergerie du club. Le concierge me fait gentiment comprendre que je ne peux pas pénétrer en ce lieu feutré sans une cravate autour du cou ! Je n’y avais pas pensé…et c’est là que le responsable de l’accueil me tend une cravate club – ou « regimental tie » en Anglais, donc rayée –, j’accepte son offrande. Je m’éclipse de l’entrée et suis désormais face à un grand miroir. Je percute soudain : je ne sais pas comment nouer une cravate ! J’en avais porté que très rarement jusqu’alors et je m’affranchissais des conventions sociales de l’habillement (trop) codifiées. Heureusement, mon meilleur ami qui m’accompagnait a pu me montrer comment faire.
Si je vous raconte cette anecdote c’est bien pour vous démontrer deux pendants antinomiques : la cravate exclut autant qu’elle inclut. Je n’aurais jamais pu franchir le hall d’entrée du club sans ce précieux sésame. Tel un couteau suisse, la cravate est multifonctionnelle : elle véhicule un fort sentiment d’appartenance et permet à la fois un statement de son porteur.
Pourquoi porter une cravate ? Aujourd’hui, cela représente un acte de résistance. Je ne glorifie pas le passé, mais je suis triste de constater que peu d’hommes en portent et mal. La faute aux entreprises qui prônent le « dress down » ou le « casual wear », même Goldman Sachs – banque connue pour son dress code très stricte – a permis à ses employés en 2017 de ne plus porter la cravate ! La cravate est vue et vécue – à tort – comme un signe d’autorité d’un autre temps. Je pense que la cravate est un excellent moyen d’égayer une tenue grâce au choix du tissu, des motifs ou des couleurs. Il ne s’agit pas pour autant de porter constamment une cravate mais d’être à son aise lorsqu’on en porte une : la véritable élégance est d’adapter sa tenue à la situation.
Conclusion
Je ne peux que recommander Shibumi et Spacca Neapolis aux néophytes, aux passionnés et aux « cravatophiles ». Ces deux marques représentent à la fois la tradition et le renouveau de l’offre de la cravate italienne.
J’éprouve un plaisir particulier à en porter une, sans contrainte : la cravate est morte, vive la cravate !
Texte et photos : Marcos Eliades
Instagram : lord_byron1